La vanille mérite mieux que ça

Une fleur qui ne peut être fécondée manuellement que pendant 12 heures, un esclave à l'origine la plus importante découverte de tous les temps pour la culture d'une épice, des trafiquants chinois accusés de vols de nuit dans des plantations, des profs qui obtiennent qu'on s'occupe de leurs champs en échange de leur enseignement, des cyclones détruisant tout sur leur passage, des voitures rutilantes, des enfants emprisonnés... le scénario d'un film ? et non, l'économie de la vanille, cette fabuleuse gousse, dont tout le monde connait le goût. 

Mais développons.


Cet article fait partie d'une série que l'on pourrait intituler, les dilemmes de la pâtissière.

Il vient de la difficulté d'accepter ou non d'utiliser un ingrédient, malgré sa provenance lointaine, et connaissant partiellement l'exploitation humaine et/ou écologique qui accompagne sa production, mais tout en sachant que pour ces pays-là, ces cultures peuvent représenter la seule source de revenue. Un dilemme, je vous dis.


Vous préparez une pâte à tarte ? ajoutez donc de la vanille ! Un sirop pour pocher des fruits ? testez avec de la vanille ! une purée originale ? vive la vanille ! Une chantilly pour un dessert ? il faut  y mettre de la vanille ! De la vanille partout, tout le temps, n'en jetez plus !

Avez-vous remarqué ? la gousse de vanille figure systématiquement ou presque, dans la liste des ingrédients des recettes de pâtisserie. Un peu comme le sel en cuisine. Mais cette épice mérite un peu plus de considération que cela.

 

En effet, on sait peu l'incroyable temps et soin que la culture, la récolte et la préparation des gousses nécessitent pour amener jusqu'à nous de la vanille naturelle de qualité.

Cette culture est souvent menée par de petites exploitations familiales, donc avec peu de poids sur le marché et la négociation. 

 

Le premier pays producteur du monde (80% du marché) est également l'un des pays les plus pauvres du monde, à savoir Madagascar. Suivent ensuite l'Ouganda, l'Indonésie, la Chine, le Mexique sans oublier la Polynésie, les Antilles, et la Réunion. C'est d'ailleurs l'ancien nom de cette dernière, l'île Bourbon, qui a donné son nom à une variété.

 

Les difficultés sont nombreuses pour les planteurs et je ne vais pas toutes les lister. Vous pouvez vous reporter à ma section "Pour aller plus loin" pour cela.

La première et principale : l'impossibilité de mécaniser la culture de la vanille.

En effet, la pollinisation ne se fait naturellement qu'au Mexique, pays d'origine de la vanille et seul lieu de résidence de l'abeille Melipona. Partout ailleurs elle se fait à la main, délicatement, selon une technique inventée par un esclave, Edmond Albius en 1841. Malheureusement, sa découverte, si elle a permis dès lors à la France et les autres puissances de s'enrichir, ne l'empêchera de mourir dans le plus grand dénuement.

Aujourd'hui encore, la pollinisation est un travail souvent effectué par les femmes (les "marieuses") et les enfants. Mais j'y reviendrai.

 D'autre part, le vanillier est une liane grimpante dont les racines affleurent à la surface. Impossible donc d'utiliser un tracteur qui écraserait le sous-sol.

Ensuite, le temps. Entre la pollinisation, la récolte, l'étuvage, le séchage, etc. l'ensemble de ces étapes, prend un temps total estimé à 18 mois ! Sans compter qu'il faut 3 ans environ avant qu'un plant de vanillier ne produise ses premières gousses.

 


Un marché très morcelé, une culture délicate dans des zones tropicales, on ne soupçonne pas toujours l'incroyable parcours de notre gousse.


Ce que l'on sait en général par contre, c'est que son prix a flambé ces dernières années. Les articles sont nombreux à en avoir parler, et plusieurs chefs pâtissiers français se sont désolés de ne plus pouvoir l'utiliser largement dans leurs desserts.

Ainsi en 2018, la gousse avait dépassé les 600 euros le kilo pour la gousse en vrac, un prix multiplié par 10 en 5 ans.

C'est la deuxième fois en 20 ans que le prix de la vanille s'affole. Au début des années 2000, le prix s'est envolé jusqu'à 530 euros, avant de s'effondrer à 40 euros en 2004.

Un effondrement encore possible selon les prévisions de certains analystes.

 


La filière écoresponsable est en marche grâce aux efforts d'associations locales, d'organismes internationaux et des industriels


Mais les choses évoluent beaucoup depuis quelques années. De nombreux organismes humanitaires comme Fairtrade, ou bien des fonds internationaux menés par des géants de l'agro-alimentaire, comme Livelihoods mais également certains organismes gouvernementaux  comme le département américain du travail,  se consacrent à l'amélioration des conditions de travail et de rémunération de ce secteur. Travail des enfants interdit, mise en place de prix plancher, aide à l'installation, beaucoup de choses positives se développent.

Et si la production de magnifiques gousses odorantes nécessitera toujours beaucoup de temps et de talent, on peut espérer que l'opacité et la volatilité du marché vont s'affaiblir.

 

 

En attendant, laissons leur chance aux autres épices ou bien choisissons une vanille respectueuse de l'être humain, une vanille écoresponsable.



Pour aller plus loin, je vous encourage à parcourir ces liens : 

 


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