Il n'y a pas de bon ou de mauvais sucre

C'est l'histoire d'une pâtissière qui un jour, publie toute fière sur le mur de sa page Facebook, la photo d'un bocal de sucre roux. Elle annonçait ainsi fièrement, qu'elle n'avait plus de sucre blanc chez elle. Elle était heureuse, persuadée d'améliorer la santé de tous ceux et celles qui allaient dévorer ses pâtisseries.

Vous l'aurez compris, cette pâtissière c'est moi. Je m'étais fait intoxiquer par des affirmations à l'emporte-pièce de certains sites.

Prise d'un doute rétrospectif, j'effectuais alors des vérifications. Le sucre blanc est-il plus nocif que son cousin le sucre roux ? Les sucres alternatifs sont-ils porteurs d'éléments nutritifs ? 

Ainsi, après recherche, j'ai la triste obligation de vous le dire tout de go : 

A la question, "y a-t-il un bon ou un mauvais sucre ?", la seule réponse valable est : le sucre n'apporte rien à l'organisme.

Voilà.

C'est triste mais il faut affronter cette idée.

Et c'est une pâtissière qui parle. Cela ne veut pas dire qu'il faut le supprimer totalement de son alimentation, mais cela veut dire que la couleur du sucre ne peut pas être l'unique critère de choix. Il faut aller plus loin.

 

Première piste sérieuse : la recommandation de mars 2015 de l'Organisation Mondiale de la Santé. Elle y revoit à la baisse de façon sensible, ses recommandations en termes de consommation de sucre.  La dose maximale journalière conseillée de 50 g/jour, est passée à 25g/jour, ou plus exactement à 5% des apports caloriques journaliers.

 


United colors of sugar

Et pensez-vous que l'OMS fasse un distinguo entre sucre blanc ou roux ? raffiné non raffiné ?

Absolument pas.

La seule nuance porte sur le fait qu'il s'agisse de sucre naturellement présent dans les fruits et légumes, et le lait, ou au contraire, celui dit libre, ajouté par les industriels ou artisans à leurs préparations, mais également contenu dans les jus de fruits ou le miel (sic). Pour l'OMS il est difficile de maîtriser la dose du premier contrairement au second.

Ainsi, contrairement à des idées répandues, et largement colportées sur internet, il n'existe pas un sucre meilleur pour la santé qu'un autre. 

Seule la quantité ingérée importe.

 

Ainsi le Muscovado et le sucre de betterave aurait la même valeur ?

Pas tout à fait quand même.

Mais cette fois-ci la différence de valeur porte sur deux autres critères : la provenance et le prix.

 


France-Brésil le match de retour

Vous le savez sûrement, la France est un gros producteur de sucre de betterave, comme l'Europe et la Russie et une partie des Etats-Unis. De la betterave est extrait un sucre naturellement blanc et non raffiné. Elle donne également la vergeoise blonde ou brune et la mélasse.

Le sucre roux ou cassonade est fabriqué à partir de la canne à sucre. Celle-ci est cultivée principalement au Brésil, en Afrique et en Asie. Les Antilles françaises et la Réunion en produisent également. La canne à sucre fournit les sucres dit complets comme le rapadura ou le muscovado.

Le sucre roux peut également être raffiné et blanchi. C'est ce fameux sucre blanc raffiné, que l'on ne trouve quasiment pas en France.

Les sucres dits alternatifs comme le sucre de Coco, d'Agave ou de Stevia proviennent tous de plantes cultivées dans des pays tropicaux.

Certains sucres contiennent des minéraux ou des vitamines, mais dans des quantités tellement négligeables que ça n'a aucun bénéfice sur l'organisme. Pire encore, comme leur pouvoir sucrant est moindre, on a tendance à en prendre plus.

 

Deuxième piste sur le choix du sucre : sa provenance.

Cette fois-ci, plutôt qu'une piste, c'est un véritable casse-tête. 

Puisqu'aucun sucre n'est meilleur qu'un autre, pour faire un choix éclairé, il reste le bilan carbone de son kilo de sucre.

Culture intensive, besoin en eau, emploi de produits chimiques, distances à parcourir, commerce équitable, conditions de travail : autant de critères qui varient énormément selon le type de sucre et même selon la marque.

Impossible de tous les évoquer.

 


Conclusion

Ces préoccupations rejoignent un autre critère de choix : l'agriculture biologique. Ainsi, si l'on trouve beaucoup de références Bio pour le sucre de canne ou les sucres alternatifs, celles pour la betterave se comptent sur les doigts d'une main. Parions que ça va changer dans l'avenir.

 

Enfin, lorsqu'on produit de nombreuses pâtisseries, un critère important est à prendre en compte : le prix. Selon votre production, votre clientèle, vous êtes en mesure ou non, de répercuter le prix élevé de certain sucre. En effet, entre un kilo de sucre de betterave à 1 euro, et un kilo de sucre de coco à 15 euros, l'impact sur le prix du produit final n'est pas neutre.

Pour une production personnelle, cela peut être plus facile à absorber. Quoique.

 

Comme vous le voyez, ma quête pour la vérité absolue sur le meilleur sucre à utiliser n'aboutira pas. Tout est question de priorités entre le goût, le prix et de bilan carbone.

L'important, en matière de sucre, est de ne pas avaler de couleuvre ...

 

"Je ne crois pas qu'il y ait de bon ou de mauvais sucre... Je crois qu'il y a des rencontres de sucre et moi je chante le sucre !" comme dirait un scribe bien connu :-)


Pour aller plus loin : 

  • La recommandation de l'Organisation Mondiale de la Santé sur la consommation de sucre (sur leur site)
  • La recommandation de l'ANSES (sur leur site)
  • Les alternatives au sucre blanc : agave, rapadura, sirop d’érable… (site Quoidansmonassiette.com)
  • Sucres rapides, sucres lents : un concept erroné (site Sport-passion).
  • Un rapport très détaillé mais compréhensible, de l'OCDE sur l'état de la production de sucre dans le Monde. (site de la FAO).
  • Le site du lobby du sucre en France : impossible d'y échapper lors d'une recherche sur le sucre. Apprenez à décrypter leur langage et vous y trouverez tout de même quelques notions intéressantes.
  • C'est pas sorcier, l'émission consacrée au sucre. (sur Youtube)
  • Comparaison du pouvoir sucrant des sucres naturels et des édulcorants (site de la Revue médicale Suisse)

Cet article fait partie d'une série que l'on pourrait intituler, les dilemmes de la pâtissière.

Il vient de la difficulté d'accepter ou non d'utiliser un ingrédient, malgré sa provenance lointaine, et connaissant partiellement l'exploitation humaine et/ou écologique qui accompagne sa production, mais tout en sachant que pour ces pays-là, ces cultures peuvent représenter la seule source de revenue. Un dilemme, je vous dis.


Écrire commentaire

Commentaires: 0